Anne Gorouben

J’ai rencontré Léonie en 1996, une amie m’avait parlé d’elle « elle ressemble tellement à ta peinture ». Léonie vivait quotidiennement au bas de l’escalier du métro Anvers. Assise dans ses grands jupons elle attendait sans demander, observait les gens avec acuité. Hollandaise, elle vivait en France depuis longtemps, et avait de l’existence une vision très mystique. Elle était fascinante avec son ampleur, ses grandes jupes de paysanne, ses yeux vifs et curieux, ses propos raisonnables aux conclusions étranges. Elle a souvent travaillé pour moi comme modèle cette année là, et parce que mon « lieu » est le café, espace intermédiaire entre l’intérieur et l’extérieur nous nous donnions rendez-vous dans différents quartiers de Paris. Au Marché de la Poésie 1997, Place Saint-Sulpice, je fis un petit livret de six lithographies avec Le petit jaunais à partir des portraits de Léonie. Elle vint les voir, elle me dit qu’elle en était très contente. Ensuite après l’été je n’ai plus eu de ses nouvelles et, son hôtel ayant fermé, je ne l’ai plus retrouvée.
Anne Gorouben, LE CAHIER DE LÉONIE, 2005