Anne Gorouben

2015-2016 JUNGLE DE CALAIS, dessins au crayon sur papier (sélection)

C’est toujours pareil : il faut du temps pour comprendre ce que l’on voit. Pour le comprendre avec le regard, avec la main qui dessine, avec le corps. Pour le penser. Pour cela il faut absolument l’arpenter, donc je suis venue à Calais. Je dessine depuis plus de trente ans dans les cafés, en France comme à l’étranger. Ces espaces sont pour moi des lieux indispensables à la vie sociale et à la rencontre, encore davantage dans une situation comme celle-ci de mise en dehors de la société, la « jungle » étant reléguée loin de la ville. En octobre 2015 j’ai reçu par mail l’appel d’un groupe de cinéastes, demandant à l’état de prendre des mesures pour faire cesser les conditions de vie indignes dans la « Jungle » de Calais. J’ai signé immédiatement. Cet appel fut publié dans la presse, il circula, et devint l’Appel de Calais. Si certains pouvaient dégager du temps pour aller sur place témoigner de ce qu’ils voyaient, ils pouvaient être hébergés sur place à l’auberge de jeunesse. Sans l’Appel de Calais je ne serais sans doute pas partie visiter la « Jungle », je n’aurais sans doute pas passé deux mois à dessiner et témoigner. Le soutien logistique sur place m’a facilité les choses, mais ce qui a été crucial a été de ne pas y aller seulement pour moi, mais d’avoir une responsabilité auprès des signataires de cet appel, un engagement qui dépassait ma propre personne. J’ai dû attendre décembre 2015 pour pouvoir partir, et j’ai décidé de rester sur place une semaine. Je suis partie avec un carnet et mes crayons, sans savoir s’il y avait une pertinence à proposer une présence et un partage de l’attente via le dessin et plus précisément via ma pratique du portrait.   Anne Gorouben, 2016, extrait de PARTAGER PAR LE DESSIN, Le « Live » de la Jungle, L’Auberge des Migrants/éditions Mer du Nord 2019   http://www.editionmerdunord.fr/12.html