Anne Gorouben

LES ANGES (DIT-ON) est une rêverie, c’est l’enfance meurtrie des Kindertotenlieder de Mahler, ce sont les mots de Rainer Maria Rilke ; les Anges, souvent, ne savent pas s’ils passent parmi les vivants ou les morts… Peut-être en commençant à peindre ces pastels voulais-je encore apprivoiser en moi la mort, comme lorsque l’on sait que l’irréparable s’est déjà produit. « Il faut être très près des gens », écrivait Beckmann dans l’un de ses brefs autoportraits. Voyageuse au café, je suis près, je dessinais en 1994 sur mon carnet à Belleville, je cherchais dans Paris quelque chose du peuple qui s’est perdu. La même année, revenue à Montparnasse je commençai les dessins des « Les lieux de l’enfance », ressentant dans mon corps une forme de soulagement, d’exultation née avec les Commémorations de la Libération, 50 ans avaient passé et je me sentais libre moi aussi… Et je cherchais en dessinant ce qui avait existé avant moi, avait été miraculeusement sauvé pour que je naisse, et existait avec moi, après moi, dans la réalité, dans le dessin. Et j’ignorais que viendrait encore toute la série intériorisée des dessins de « 100, boulevard du Montparnasse ».
Anne Gorouben 2013, extrait de LES ANGES (DIT-ON), galerie La Ralentie, Paris