Anne Gorouben

Je ne sais pas encore ce qui occupe mon carnet, ces portraits d’enfants malades, je ne sais ce qui se construit à travers eux, du lien, de la rencontre au départ timide, puis plus libre parce que le service devient familier. Deux fois par semaine, je pars pour Pontoise comme pour un voyage lointain. Sur les murs du long couloir du service on affiche les photocopies de mes dessins. Je fais partie du service ; je suis devenue transparente. Parfois l’enfant est absent, absorbé en lui-même ou échappé vers la télévision qui le vide de son ennui. Une adolescente m’a dit qu’elle « devait » s’ennuyer, afin de pouvoir se mettre à penser à sa maladie. Certains se réveillent à peine ou quittent l’hôpital dans l’heure, je les prends au vol, tout s’improvise, c’est une rencontre à l’arraché.
Anne Gorouben – février 2003, extrait du texte du catalogue Hôpital René Dubost/Art Dans La Cité