Anne Gorouben

1991-1993 LE POIDS DES SILENCES, résidences Péniche-Opéra, Dresde, Allemagne (sélection)

La proposition d’exposer à l’Institut Français de Dresde en 1991 a fait violemment ressurgir en moi l’image enfouie d’Anne Frank, telle qu’une photographie la montre à son bureau d’écolière. Son journal m’a été transmis par ma mère vers ma treizième année. « Le sens du voyage », 1991, de Berlin à Prague, traduit ma tentative de voir véritablement le paysage, d’échapper à ma mémoire imaginée. Ce tableau m’a révélé les liens que je nouais entre les lieux traversés, le Reichstag de Berlin et le cimetière juif de Prague, aujourd’hui presque à l’abandon, où est enterré Kafka, les voies ferrées, les hangars et les trains de Magdebourg et les ruines de Dresde… Tentative vouée peut-être à l’échec. J’écrivais : la réalité du paysage est impossible à atteindre ; le voyage déroule notre paysage intérieur qu’ainsi, peu à peu, nous parvenons à reconnaître. L’Est de l’Allemagne m’évoquait, dans son décalage architectural et quotidien, à la fois le Paris de ma petite enfance et ma peur viscérale de la violence et de la guerre. Je cherchais à délivrer mes regards et mes pensées d’un passé qui n’était pas le mien. Je comprenais que pour accéder à notre propre histoire, nous devons nous séparer de celle des générations qui nous ont précédés, qui pèse, et que cette séparation passe par la quête de ce passé.     Anne Gorouben, catalogue Institut français de Dresde-Institut français de Berlin 1993